Ça sera pas de ton vivant
Que le futur te parlera
Que le passé t'écoutera
Que le présent commencera
Ça sera pas de ton vivant
Qu’on fera brûler la poussière
Qu’on échangera nos semis
Pour les lancer dans la lumière
Dans la lumière...
Ça sera pas de ton vivant
Qu’on saura ce que voulait dire
Ce qui est arrivé de mieux
Dans ce qui s’est passé de pire
Ça sera pas de ton vivant
Qu’on fêtera l’incertitude
En essayant d’énumérer
Une à une les solitudes
Les solitudes...
Après nous
Peut-être que la vie s’inversera
Après tout
On sait rien de rien de ça
Ça sera pas de ton vivant
Que les poulets perdront leurs dents
Que les clochards feront fortune
En redonnant tout leur argent
Ça sera pas de ton vivant
Que les empires s’écrouleront
Que tu pourras partir en paix
Comme un caillou qui fait des ronds
Ça sera pas de ton vivant
Que la terre deviendra décente
Nous nageons à contre-courant
Mais nous continuons la descente
© François Dumont, 2013
Je sais pas comment on fait du fer
Je saurais pas fabriquer une vitre
Je sais même pas comment on fait du feu
Je saurais pas faire de l’électricité
Je sais pas comment faire du savon
Je saurais pas te tisser une robe
Je saurais pas fabriquer des souliers
En fait, je sais pas si j’arriverais à chasser
Mais je pense qu’on saurait bien faire tous les deux
Une cabane dans les bois
Je pense qu’on serait heureux
Avec presque rien
Je pense même qu’on serait mieux
Je saurais pas faire une guitare
Mais je saurais peut-être faire une petite flûte
Et même quand on aura plus rien à brancher
On saura bien s’inventer des histoires
Oui je pense qu’on saura bien faire tous les deux
Une cabane dans les bois
Je pense qu’on sera heureux
Avec presque rien
Jusqu’au jour où on sera malades
Ou très vieux
© François Dumont, 2013
Je sais pas trop quoi dire
Assis devant toi
Sur ce banc où tu me vois pas
Depuis tantôt j'attends
En te regardant
La bonne idée, le bon moment
J'te dis bonjour, pis j'm'arrête là
Je tourne autour... mais ça vient pas
Ça t’arrive-tu des fois
Toute seule dans ton lit
D’imaginer une autre vie
Que t’es un autre toi
Qui aurait suivi
Une autre voie, un autre avis
Des fois moi j’voudrais
Être quelqu’un d’autre
Explorateur ou astronaute
Imaginer : ou bien... ou bien...
Et démêler le tien du mien
Je t’amènerais ailleurs
Où y fait meilleur
Là où va le temps quand y passe
Et dès qu'on reviendrait
On repartirait
Pour découvrir d'autres espaces
Je sais j’suis rêveur pis j’ai pas d’argent
Mais les lunatiques c’est pas méchant
Imaginer : ou bien... ou bien...
Et démêler le tien du mien
T'es là tu dis rien
Mais tu souris
Me trouves-tu drôle — ou sans génie ?
On dirait que tu crois
À ce que j't'ai dit
Sais-tu j'commence à me croire aussi...
Imaginer: ou bien... ou bien...
Et démêler le tien du mien...
Je sais j’ai pas grand-chose
À te proposer
Oui mes fleurs sont déjà fanées
Mais si tu les acceptes
J’en trouverai bien d’autres
C’est plein de ressources un astronaute
(« Démêler le tien du mien » figure dans le poème « L’étrangère », de Louis Aragon)
© François Dumont, 2013
Me voici dans le train
Qui file vers le Nord
Quand j'y s'rai demain
Tu maudiras le sort
Mais c’est pas grave si moi j'arrive à rien
T'es déjà loin, sur un autre chemin
Oh la lune est si belle
À l’horizon ce soir
Mais la nuit me rappelle
Notre sombre histoire
Quand on suivait des pistes dans le noir
Mais souviens-toi : jamais je t’en ai fait accroire
Le train roule
Et moi dedans
Je m’embrouille
Comme avant
J’essaye d’imaginer
Le Nord où je m’en vais
Et j’essaye d’espérer
Le Pur, le Beau, le Vrai
Toujours le même, que tu dirais sans doute
Le grand naïf cherchant à retrouver sa route
Le train roule
Et moi dedans
Je m’embrouille
Comme tout l’ temps
On dirait qu’on arrive
Y fait froid sans bon sens
Et à travers le givre
On ne voit que du blanc
Quand j'hibernerai, penseras-tu à moi ?
Au drôle de gars, fuyant toujours hors de tes bras
© François Dumont, 2013
Y disent que tout est sous contrôle
Que notre opinion joue un rôle
Y disent qu’y faut mettre l’épaule à la roue
Let the good times roll !
Des mots...
Des mots...
Des mots...
Y disent qu’y faut pas manquer le train
Y disent qu’y faut prendre les moyens
Qu’y faut y aller main dans la main
Y disent que c’est pour notre bien
Des mots...
Des mots...
Des mots...
Quand y parlent
Le néant traverse leurs yeux
Ô vide sidéral
Salut mon vieux
C’est toi qui dis vrai
C’est toi qui mens jamais
Y disent que tout était prévu
Y disent qu’y faut que ça continue
Y disent des mots que j’entends pus
Mais c'est bien ça qui était voulu…
Quand y parlent
Le néant traverse leurs yeux
Ô vide sidéral
Salut mon vieux
C’est toi qui dis vrai
C’est toi qui mens jamais
« Les Canadiens et les Canadiennes veulent de la sécurité, euh, et veulent aussi du changement.
Nous croyons que par notre action, nous allons pouvoir, euh, changer, euh, des choses… »
Words, words, words…
© François Dumont, 2013
La nuit
Ne reste pas
Fini
Le jour s’en va
Rien qui
Ne s’enfuie déjà
Tant pis
Si ça dure pas
La vie
Continuera
Et puis
On recommencera
On s'y remettra encore une fois
Viens-t'en
Restons dans le
Présent
Profitons du
Moment
C'est notre seul temps
Il n'y a qu'une seule fois chaque fois
Juste un instant, juste en passant
Juste un instant, juste en passant…
© François Dumont, 2013
Je pensais pas que tu retournerais
Au creux de la forêt, avec les loups
Je me croisais les doigts et j’espérais
Que ça irait, que tu tiendrais ton bout
Mais t’es parti
Encore une fois
Au fond du bois
Mais t’es parti
Encore une fois
Au fond du bois
Tu veux revoir cet épervier
Que tu voyais planer sur la forêt
Tu dis que tu voudrais voler
Loin au-dessus du temps qui s'arrêterait
T’es reparti
Encore une fois
Au fond du bois
T’es reparti
Encore une fois
Au fond du bois
N’entends-tu pas
Ta propre voix ?
T’en iras-tu un jour
Ailleurs que dans tes pas ?
Je pense à toi qui tournes en rond
Tout seul au beau milieu de la forêt
J'avance en répétant ton nom
Et en cherchant les mots qu'il te faudrait
Je suis reparti
Pour te sortir
Du fond du bois
Je suis reparti
Encore une fois
Au fond du bois
© François Dumont, 2013
Je sais pas à quoi j’ai rêvé
Me semble que c’était compliqué
Y’avait des morceaux de la journée
Des vieilles affaires aussi
Que je ruminais déjà l’autre nuit
Faut croire que c’est pas terminé
Y’a encore de la folie
Qui traîne dans mon lit
La nuit a brûlé ses repères
Ce que j’avais trouvé se perd
Me revoici dans la lumière
D’un autre jour qui va passer
Et avec lui tout emporter
Les mots que la nuit m’avait dits
Ce que j’ai vu d’une autre vie
Tout va retomber dans l’oubli
C’est comme un grand miroir de glace
Dans lequel j’me regarde en face
Mais j’vois pas bien
Et au matin
J’y comprends rien
J’y comprends rien
Ça m’arrive pendant que je rêve
D’imaginer que je me lève
Que j’habite, le temps d’une trêve,
Et le jour et la nuit
Que les deux mondes sont réunis
Mais toujours quand la nuit s’achève
Le fantôme a tout désappris
Et se débat dans des débris
C’est comme un grand miroir de glace
Dans lequel j’me regarde en face
Mais j’vois pas bien
Et au matin
J’y comprends rien
J’y comprends rien
© François Dumont, 2013
Je t’amène sur la Côte-Nord
Faut nous souhaiter du temps
Faut nous souhaiter du vent
On cueillera des baies
Y’en a qui goûtent le gin
Et si on est chanceux
Un beau martin-pêcheur
Nous montrera le ciel
Et dansera pour nous
Je t’amène sur la Côte-Nord
On marchera longtemps
Jusqu’à ne plus savoir
Ce qu’on voulait avant
Jusqu’à imaginer
Qu’il n’existe rien d’autre
Que cette pierre dure
Et si douce au toucher
Que t’auras ramassée
Nous serons cette pierre
Et nous serons des plantes
On sera des animaux
Nous deviendrons les vagues
Et nous deviendrons l’air
Viens
Perdons le fil
Quittons la ville
Gagnons le Nord
On se mettra un filet
Qu’on enlèvera le soir
En entrant dans la tente
On campera sur la grève
On se couchera nus
Dans un sleeping épais
On se racontera
Que c’est presque la mer
Qu’on entend à côté
Comme une respiration
Se mêlant à la nôtre
Et nous reconnaîtrons
Dans cette immensité
Notre désir ouvert
Viens
Perdons le fil
Quittons la ville
Gagnons le Nord
Viens
Perdons le fil
Quittons la ville
Gagnons le Nord
© François Dumont, 2013
Fleuve froid
Fleuve de mer
Fleuve de terre
De nuit sans fond
Et de ciel ouvert
Fleuve de pierres
De plantes nues
Que les poissons frôlent
Que les oiseaux hantent
Fleuve changeant
Fleuve mouvant
Fleuve immense
Jamais le même
Tantôt si bleu
Tantôt si vert
Et gris et noir
Tu vieillis
Fleuve endormi
Fleuve d’ennui
Ou débordant
Désert d’eau de pluie
Où des canots
Se sont perdus
Au fond de l’abîme
Où je mets la main
© François Dumont, 2013
Souvent je pense à toi
Viens donc me voir
On reprendra le sentier jusqu’au bout
Depuis le temps j’ai changé
Sans t’oublier
J’entends le temps d’avant remonter jusqu’à nous
Nos traces ont disparu
C’est loin... T’en souviens-tu ?
Quand ta main me montrait l’horizon
Je voyais rien
Je voyais rien
Et quand moi je chantais mes chansons
T’entendais rien
Devant le temps d’avant
J’ai reculé
Tourné le dos pour m’éloigner de tout
Et puis en m’éloignant
J’ai salué
Les amants égarés entre toi, moi et nous
Nos traces ont disparu
C’est loin... T’en souviens-tu ?
Quand ta main me montrait l’horizon
Je voyais rien
Je voyais rien
Et quand moi je chantais mes chansons
T’entendais rien
Nos traces ont disparu
C’est loin... T’en souviens-tu ?
Ce soir je pense à toi
Je pense à nous
Personnages aujourd’hui sortis de leur histoire
© François Dumont, 2013
On a fermé les ordis, la t. v.
On a balayé, tout bien nettoyé
On a fait des petits gâteaux et du thé
Fais-toi z’en pas, le chauffage est monté — viens-t’en
On dira rien contre ta religion
On va t’écouter avec attention
Si tu te rappelles pas trop, ça fait rien
C’est ta voix qu’on veut et on t’entend bien — parle-nous
Viendras-tu un peu danser ?
Un, deux, trois ; un, deux, trois…
Pas trop vite, oui je sais
Non, moi mon nom c’est François
Nous autres aussi on vieillit, ah j’te dis…
Nous autres aussi on voit s’enfuir la vie
Nous autres aussi on est déjà en train
De faire lever la poussière du chemin
(La poussière du chemin est le titre d’un livre de Jacques Brault)
© François Dumont, 2013
Tu vois bien dans le noir
Oui mais la clarté t’aveugle
Tu vis dans un souterrain
Et tu creuses encore
Pour un peu plus
T’éloigner du monde trop blême
Des écrans de lumière
Qui ont raison de tout
Des ombres que tu aimes
De l'infini qu’on voit
Les yeux fermés
Mais quand ce qui disparaît
Reste pour habiter
Là dans l’obscur
Tu t’imagines
Heureux
Dans ta nuit
Toujours veillant dans la nuit
Mais voici le matin
Ce vent inattendu
Et le jour qui s’offre là devant toi
Jour fragile
Qui bouge dans le ciel
Ô vent qui animes l’air
Ô vent ô vent
Qui ne sais où aller
Ô vent
Cherchant ta route
Ô vent venu du fond de la nuit
Tu reconduis la nuit jusqu’à ce jour
Tu ne fais que passer
Tu t’en vas sans retour
Ô vent venu du fond de la nuit
Tu reconduis la nuit jusqu’à ce jour
Ô vent venu du fond de la nuit
Tu reconduis la nuit jusqu’à ce jour
Jusqu’au jour
Jusqu'au jour
© François Dumont, 2013