Chacun de nos pas nous fait tomber
Pour toi comm’ pour moi, le temps est compté
Sur le pont, je songe à ce qui n’est plus
À ce qui dure et à c’ que j’ai jamais vu
La vie nous malmène et tout a son prix
On voudrait en sortir, mais on est pris
J’me dis pourtant que ça pourrait changer
Que c’est à nous d’imaginer
On est
Dans le même bateau
Parfois au loin, quelque chose se profile
On voit pas bien : un continent ? une île ?
Final’ment c’est rien, encore une illusion
Juste la mer à l’horizon
Le vent sur la mer nous fait tous tanguer
J’ai pas le pied marin, j’suis rien qu’un passager
J’aim’rais don’ ça un bon jour accoster
Tu le voudrais bien toi aussi, je sais
On est
Dans le même bateau
Certains sont en haut dans une jolie cabine
D’autres sont dans la cale et crient famine
Moi j’en peux pus de la loi qui veut
Que tout ici soit pour le mieux
C’est pas vrai
Que rien pourra changer ici
Que chacun de nous doit garder sa place, assis
J’espère encore, espère aussi
Ça pourra just' commencer par un si
Je continue malgré
Le vent, le mal de mer
Malgré la tempête, oui je rêve
L’air salin fait encore son effet
Et j’me dis que malgré le temps qu’y fait
On est
Dans le même bateau
On est
Dans le même bateau
© François Dumont, 2021
On a jamais pu l’arrêter
On a jamais pu retourner
Sur ses pas pour le retrouver, non
On mettra pas la main sur lui
Toujours il est déjà parti
Toujours y va se dérober-er-er
Y s’en va, y s’en va le temps
Y s’en va, y s’en va devant
Y s’en va, y s’en va devant — le temps
C’est lui qu’on cherche et quand on trouve
Au moment où la porte s’ouvre
On voit que rien n’était caché, non
Tout est là en train d’advenir
Mais pendant qu’apparaît l’av’nir
Le présent est déjà passé-é-é
Y s’en va, y s’en va le temps
Y s’en va, y s’en va devant
Y s’en va, y s’en va devant — le temps
C’est quoi le temps ? On le sait pas
On sait pourtant qu’il est bien là
Il est bien là, juste là
Juste là, mais...
Y s’en va, y s’en va le temps
Y s’en va, y s’en va devant
Y s’en va, y s’en va devant — le temps
© François Dumont, 2021
C’est la présence
Et c’est l’oubli
Ça sent la mort
Mêlée de vie
Les oiseaux jouent
Avec sérieux
Les animaux
Flânent chez eux
Dans la forêt
Où tout pourrit
Et grandit
Dans la forêt
Où tout est là
Élargi
Les arbres montent
Et se déploient
Mais ils s’accrochent
Tout à la fois
Un ruisseau calme
Se mêle au vent
Tes mots s’effacent
Tout doucement
Dans la forêt
Où tout pourrit
Et grandit
Dans la forêt
Où tout est là
Élargi
Ici la ville
N’écoute pas
Tout attentive
Aux tristes lois
Mais çà et là
Un peu de vert
Remet l’endroit
Tout à l’envers
© François Dumont, 2021
Devant la fin du monde
Qu’on explique aux enfants
Devant les mêm’s questions
Reposées constamment
Devant les mêm’s raisons
Qu’on redonne en attendant
Tu t’enfuis
Tu t’enfuis
Toujours tu t’enfuis
Et devant les ravages
Qu’on fait en souriant
Devant les mêm’s images
Qu’on nous montre tout l’temps
Devant les dérapages
Et tous les emmerdements
Tu t’enfuis
Tu t’enfuis
Toujours tu t’enfuis
—
Là devant ton miroir
Le gars que tu fuis
C’est bien toujours le même
Dans ses nouveaux habits
Il te regarde et il te dit :
Au fond, c'est toujours ici
Que tu t’enfuis
Tu t’enfuis
Toujours tu t’enfuis
Toujours tu t’enfuis
Toujours tu t’enfuis
© François Dumont, 2021
Y vaut mieux prévenir que guérir
Mais qui ne risque rien n’a rien
J’ai remis mon ouvrage
Vingt fois sur le métier
La vie m’a dit : « Tiens ça
Ça vaut mieux que deux tu l’auras »
Si y’ a pas de fumée sans feu
Le jeu vaudra p’t-êt’ la chandelle
Brûler par les deux bouts
Aller trop loin, jusqu’où ?
Une voix me dit qu’y faut
Battre le fer quand il est chaud
Y’ en a partout comme ça
Des phrases abandonnées
Qui sont à prendre — ou à laisser
J’ai pas de peau d’ours à vendre, j’ai pas voulu le tuer
J’ai beau semer du vent, y vient pas de tempête
Quand j’ me suis comparé, ça m’a pas consolé
Mais je fais ce que dois : advienne que pourra
Si jamais c’est la mer à boire
Si ça finit en queue de poisson
J’ mettrai ma cruche à l’eau
Qui coulera sous les ponts
À chaque jour suffit sa peine
Et aux innocents les mains pleines
Y’ en a partout comme ça
Des phrases abandonnées
Qui sont à prendre — ou à laisser
—
Tu peux les emprunter
Pour voir comment ça sonne
Tu peux pas les garder
Les mots sont à personne
© François Dumont, 2021
Pourquoi ça change toujours mais en restant pareil
Pourquoi on comprend pas quand ça nous émerveille
Pourquoi c’est toujours là sans arrêter jamais
Pourquoi on connaît rien de ce qu’on apprenait
Par où marcher quand on sait pas où on s’en va
Où nous sauver quand on nous dit qu'on nous sauv'ra
Comment écouter mais sans laisser malgré nous
Le dernier mot à ceux qui ont réponse à tout
On sait pas où on va
Ni comment ni pourquoi
Ni par où et ni quand ça viendra
Quand ça viendra, on sait pas si on le verra
Ni quand ce qui nous arriv’ra repartira
Comment s’faire une idée quand la seul’ chose qu’on sait
C’est qu’on sait pas et qu’on saura jamais
On sait pas où on va
Ni comment ni pourquoi
Ni par où et ni quand ça viendra
—
On sait pas où on va
Ni comment ni pourquoi
Ni par où et ni quand ça viendra
Mais au moins on sait ça :
Qu’on sait pas
© François Dumont, 2021
L¹eau claire dans mes mains
S¹en est allée et rien
N¹est venu s¹y poser
Je n¹ai rien attrapé
Je n¹ai rien attrapé
Pardon ma douce amie
À qui j'ai tout promis
Toujours tu attendras
Ce que je n¹avais pas
Ce que je n¹avais pas
Toujours la même histoire
Les rêves se défont
J¹aurais tant voulu croire
À nos vies qui s¹en vont
Coupable sans délit
Bienfaiteur démuni
Ce que je n¹ai pas fait
A le poids des regrets
A le poids des regrets
Toujours la même histoire
Les rêves se défont
J¹aurais tant voulu croire
À nos vies qui s¹en vont
Qui s¹en vont
Qui s¹en vont
© François Dumont, 2021
Non
On leur fera pas peur
Aux oiseaux de bonheur
Dans leur nid
Bien à l’abri
Non
On demand’ra pas l’heure
Aux oiseaux de malheur
On s’dira
Que ça ira
Ça ira — oui mais où ?
Ça ira — oui mais où ?
—
Non
Ça s’ra pas en courant
Plutôt en avançant
Pas à pas
Que ça ira
Ça ira — oui mais où ?
Ça ira — oui mais où ?
Ça ira — oui mais où ?
Ça ira — mais jusqu’où ?
© François Dumont, 2021
C¹est l¹heure grise
Le jour transige avec la nuit
C¹est l¹heure du loup
La nuit pactise avec le jour
Entre l’absurde et l’inédit
Entre l’espoir et l’oubli
Entre paix et tranquillité
Entre faiblesse et fragilité
C¹est l¹heure grise
Le jour transige avec la nuit
C¹est l¹heure du loup
La nuit pactise avec le jour
Entre ironie et désespoir
Entre trop tôt et trop tard
Entre « comment ? » et « pourquoi ? »
Et entre toi et moi
C¹est l¹heure grise
Le jour transige avec la nuit
C¹est l¹heure du loup
La nuit pactise avec le jour
C’est l’heure du loup
Qui me captive et me déjoue
© François Dumont, 2021
Non les printemps sont pus pareils
On dirait qu’j’y crois moins
On dirait que la neig’ fond pas
Mais qu’à s’tann’ de rester là
Fait qu’a s’en va
A sait de tout’s façons que tout revient tout l’temps
Comm’ c’était, ou pire encore
Que tu m’dis
Et moi j’os’ pas te contredire
Oui mais le printemps c’te fois-là
On y croyait vraiment
La nature était de not’ bord
Faisait soleil, mêm’ la nuit
T’étais partout
Et dans ma tête et dans la rue et dans mon lit
Ça durait, on s’tannait pas
Tu t’souviens
Dis-moi que j’ai pas rêvé ça
Dis-moi que j’ai pas rêvé ça ce printemps-là
Dis-moi que j’ai pas rêvé ça ce printemps-là
Y nous disaient comment penser
Parc' qu'eux-aut’ y savaient
Et y répétaient leur mantra
Faut fair' sa part, juste part
Mais part de quoi
Nous aut’ on se sentait vraiment à part de tout
À côté de ce mond'-là
Comme y va
Et toujours on l’ montrait du doigt
Dis-moi que j’ai pas rêvé ça ce printemps-là
Dis-moi que j’ai pas rêvé ça ce printemps-là
On voulait pas juste rêver
À côté
On voulait entrer
Mais la porte est restée fermée
Printemps été automne hiver
Le cercle est revenu
On dirait que l'monde apprend pas
Que l’monde oublie, j’oublie pas
On reviendra
On sait de tout’ façons que tout revient tout l’temps
Une aut' fois ça ira mieux
Que j’te dis
Essay' de pas me contredire
Dis-moi que j’ai pas rêvé ça ce printemps-là
Dis-moi que j’ai pas rêvé ça ce printemps-là
© François Dumont, 2021
Vingt heures déjà que je roule
Parti pour nulle part
Y faudrait bien m’arrêter
Avant qu’y soit trop tard
Je sais pas ce qui m’attend
Devant
Les yeux sur la route
Et le cœur en déroute
Je repense
Aux départs, aux détours
Les yeux sur la ligne
Le futur me fait signe
Mais j’ignore
Où je vais et je roule
À travers la pluie, la neige
Vers un nouveau monde
Le dos calé sur mon siège
Je regarde à la ronde
J’ai déjà vu tout ça
Où donc ?
Les yeux sur la route
Et le cœur en déroute
Je repense
Aux départs, aux détours
Les yeux sur la ligne
Le futur me fait signe
Mais j’ignore
Où je vais et je roule
La nuit me dit tout bas :
Où tu vas comme ça ?
Les yeux sur la route
Et le cœur en déroute
Je repense
Aux départs, aux détours
Les yeux sur la ligne
Le futur me fait signe
Mais j’ignore
Où je vais et je roule
Je roule
J'avance
Plus loin
Ailleurs
Où ça?
Mystère...
© François Dumont, 2021
Jamais une chanson
N’est chantée pour de bon
Et aucun des mots qu’on pourra dire
Ne s’ra jamais ni meilleur ni pire
On navigue sur la même eau
On est dans le même bateau
© François Dumont, 2021
Les chercheurs d’art
Vont à l’aveugle
Et toujours seuls
Dans la nuit noire
Les chercheurs d’art
N’attendent rien
Sauf le prochain
Point de départ
Les chercheurs d’art
Ne savent pas
Ce qui viendra
Toujours plus tard
—
Les chercheurs d’art
Sont ignorants
Tout en sachant
Ce qu’ils ignorent
Les chercheurs d’art
Ne trouvent rien
Sauf un autre chemin
Encore
Les chercheurs d’art
N’ont rien à eux
N’ont rien de mieux
Qu’un aiguisoir
—
Les chercheurs d’art
Parlent d’ici
D’ailleurs aussi
Et de nulle part
Les chercheurs d’art
Parlent de ce qui
Nous unit
Et nous sépare
Les chercheurs d’art
N’ont pas de lieu
Ils font leurs adieux
Et s’égarent
—
Les chercheurs d’art
Toujours perdus
N’auront voulu
Qu’entendre et voir
© François Dumont, 2021